Christopher Gérard, Aux Armes de Bruxelles, Flâneries urbaines


Gerard

Depuis plusieurs décennies, Christopher Gérard déambule dans Bruxelles à l’allure d’un Ernst Jünger chassant subtilement les lépidoptères. Ce n’est ni un parti pris ni une pose, mais bien son pas naturel. Le voici, mains croisées dans le dos, le nez orienté vers le pavé, côté Quick et Flupke, puis en l’air, côté Magritte, à gauche, côté maquis, puis à droite, côté buisson, à l’affût de la moindre plaque commémorative enchâssée dans le mur de quelque bâtisse décrépite, de la plus discrète enseigne de chocolatier fin, ou d’une devanture qui, dans son monde d’avant, était celle d’un bouquiniste ou d’un bougnat, en tout cas d’un négoce à la clientèle forcément interlope…

Offrir une nouvelle édition, « revue et augmentée » selon la formule consacrée, d’un livre tel qu’Aux armes de Bruxelles, jadis paru aux Éditions L’Âge d’homme et entretemps couronné par l’Académie royale, c’est forcément encourir le péril du plus douloureux constat : Tempus fugit. L’exercice de nostalgie, latent dans la première mouture, est désormais intégral. Les aficionados de Christopher Gérard – oui, il se rencontre de tels énergumènes, en général à l’aube, qui affichent, retour de la forêt de Soignes, une dégaine de païen cerné d’avoir attendu le lever de Sol invictus, et cachent des Orval plein leur balluchon – auront tout le loisir de comparer les deux versions et pourront acter le grand remplacement du présent d’alors par le si justement dénommé « imparfait ».

Les jours ont passé, et les couleurs, les êtres, si vifs eussent-ils été, aussi. Reste à l’écrivain cette conviction que le plaisir ne s’émousse pas avec la répétition, que du contraire, et qu’il n’appartient qu’à l’art de réaliser le miracle de l’éternel retour.

Frédéric Saenen
ISLV, Langue et littérature française
Chroniqueur littéraire

Christopher Gérard, Aux Armes de Bruxelles, Flâneries urbaines, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 284 pp.

 

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