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Prix Pulitzer en 1967, L’homme de Kiev (The Fixer, en anglais) reste méconnu dans le monde francophone alors qu’il est sans doute l’un des plus beaux romans de la seconde moitié du vingtième siècle. Bernard Malamud y raconte l’histoire d’un pauvre hère, Yakov Bok, qui, déçu par un mariage raté (le dialogue avec Shmuel son beau-père a tout, dans le chapitre I, d’une histoire juive à la Isaac Bashevis Singer), s’en va tenter sa chance à Kiev, la « Jérusalem russe » où il a rendez-vous avec son destin. « La nuit sera longue », se dit-il en approchant du Dniepr… Et, en effet, il se trouvera injustement accusé du crime d’un enfant et livré en pâture à une Russie qui, au début des années 1910, succombe au délire antisémite et multiplie les pogroms.

L’homme de Kiev est fascinant à plus d’un titre : d’abord par son personnage principal, un Juif agnostique, féru de Spinoza, à qui son métier de « réparateur » a appris à faire face au réel, à le rendre vivable malgré tout. « Ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà mieux que rien ». Captivant aussi par la mécanique de son récit qui, s’enfonçant toujours plus dans la noirceur, nourrit une expérience de lecture singulière : on lit à la fois pour savoir qui ce qui va arriver à son héros et parce que l’enchaînement de ses malheurs nous fait espérer toujours plus fort un retournement de situation (il faut d’ailleurs éviter de lire la préface de Jonathan Safran Foer qui est un horrible spoiler). Cette confrontation entre la vitalité d’un personnage qui ne quitte jamais des yeux la réalité (Deus sive natura !) et la haine antisémite qui ne cesse de la défigurer fait de ce roman une apologie de la survie individuelle au service de la résistance collective.

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Olivier Dubouclez
Histoire de la Philosophie moderne / UR Traverses

 

Bernard Malamud, L’homme de Kiev, Trad. fr. G. et S. de Lalène (révisée par H. Cohen), Rivages Poche, 2015

 

 

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