quatrebarbes

Accorder une même attention aux détails de millions de choses, aux contours visibles de l’inanimé comme de l’animé, Aby ne peut s’en empêcher. Dès que ses pieds foulent l’étoffe du tapis, il entre en discussion avec la matière, s’inquiète de son état. Traversant la prairie, il poursuit le dialogue avec chacune des plantes rencontrées. Des modelés, des tracés entrent en résonance dans sa tête. Ça turbine sur le mode d’un catalogue en surcharge. Une pensée spongieuse associant dans leurs mouvements un entrelacs de formes. Celles des danses amérindiennes, vues en 1896 lors d’un voyage au Nouveau-Mexique. Celles des peintures de la Renaissance italienne, étudiées durant sa thèse en histoire de l’art. D’autres encore et toujours d’autres, les métamorphoses s’engouffrent.

Soudain la pensée se trouve débordée par la guerre de 14-18. L’horreur tient en échec l’effort classificatoire. Aby se cabre, se confine en lui-même. On le découvre en crise, délirant. L’internement s’ensuit.

Inspiré d’épisodes de la vie d’Aby Warburg (1866-1929), historien de l’art allemand, le roman de Marie de Quatrebarbes entraîne le lecteur dans une histoire pleine de rebonds où alternent la tension narrative et l’émerveillement. Car la poésie du texte roucoule. Elle prend en charge le drame, révèle sous l’appétence parfois burlesque du personnage un gai savoir, ultime rempart de la raison face au chaos menaçant. C’est enfermé qu’Aby s’en sort.

Gérard Mans
Écrivain, Alumni Faculté de Philosophie et Lettres

Marie de Quatrebarbes, Aby,  P.O.L, 2022, 200 p.

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