Célestin de Meeûs : Cavale Russe


DeMeeus

Cavale russe, c’est d’abord une énergie : énergie d’un poème perpétuellement projeté vers l’avant, d’une parole qui puise en elle-même les ressources indispensables à sa propre régénération. Le désir de foutre le camp, de sortir du rang, de briser pour de bon la camisole qui nous empêche de déserter couvait déjà dans les premiers recueils de Célestin de Meeûs, qui rassemblaient de petits diamants de véhémence contenue, de naïveté lucide. Avec Cavale russe, le volcan en sommeil s’est réveillé. La parole déborde du vase et se répand, irrépressible, irrésistible, à travers les grandes taïgas du langage. Le jeune poète traverse les plaines infinies de la Sibérie comme un immense feu de forêt qui dévore tout sur son passage : les paysages, les villes, les gens. Rarement voyage initiatique a trouvé, pour se dire, une langue à la fois si accessible et si brûlante. Les amateurs de poésie goûteront la puissance d’évocation de Célestin de Meeûs, son art du mélange des tons, ses images inventives, ses formules choc. Les autres, ceux qui s’imaginent que la poésie est forcément hermétique, autotélique et élitiste, n’ont rien à craindre : Cavale russe peut se lire comme un récit de voyage. Il en a la beauté simple et la majesté sans froufrous. Mais laissons le dernier mot au poète :

crois-moi
c’est à moi seul que je fais référence
quand je parle de peur – à moi et
notre génération à qui le manque
et la candeur ont constamment manqué
crois-moi
quand on ne peut plus distinguer
ce serre-frein sur le cœur et la salive
du désir dans la bouche il est grand temps
– mais temps de quoi dis-tu au juste –
je n’en sais rien mais je suis en partie
et donc en tout cette génération : immense
peinture d’Hopper sous ecstasy –


Félix Katikakis
Écrivain, étudiant en romanes 

 

Célestin de Meeûs, Cavale Russe, Cheyne, 2021, 80 p.

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