Morgane Eeman : L’île quimboiseuse


Eeman

Il est des ouvrages qu’on lit parce qu’on sait déjà ce qu’on va y découvrir et qui nous plaisent justement par leur côté rassurant, d’autres qui nous rejettent d’emblée, malgré notre envie de nous y promener, et puis il y a les ovnis, ceux qui nous captivent, qui nous capturent dès les premiers mots. Le récit de Morgane Eeman est de ceux-là, de ces livres dont on ne peut s’attendre, quelles que soient nos attentes, quelle que soit notre connaissance de la littérature.

Le genre, le roman-poème, n’est déjà pas habituel. Plus rare encore est le fait qu’il ne s’agisse pas d’une coquetterie d’auteur, même si la pièce d’orfèvrerie qu’on découvre est d’une grande délicatesse. Très vite, on a l’impression que l’histoire de cette île ensorcelante – et dont l’écriture elle-même nous envoûte – n’aurait pu s’écrire sous une autre forme. Comme dans les formules magiques, c’est le jeu des mots et des sonorités qui produit sur nous cet effet captivant si particulier et dont on n’a aucunement l’envie de se délivrer.

Mais il y a plus. Ce type d’écriture prend généralement pour objet des sujets propres à sublimer les émotions, propres à élever l’âme. Or, on a ici affaire à une poésie des entrailles. C’est dans la fange, dans les viscères humaines et sociales que l’histoire nous plonge et c’est au cœur de ce qui nous écœurerait normalement, qu’on trouve une sorte d’extase. De ce fait, L’île quimboiseuse nous ramène au divin marquis, à Georges Bataille et à Marcel Moreau, qui d’ailleurs appréciait particulièrement ce texte et a encouragé l’autrice à le publier.

Un véritable ovni, un ovni palpable comme un cœur humain qui vient tout juste d’arrêter de battre, encore chaud et obscène et dont on se repaît pourtant avec délectation.

Anne Staquet

Morgane Eeman, L’île quimboiseuse, Bruxelles, MaelstrÖm reEvolution, 2021, 167 p.

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