Juan d’Oultremont : Judas côté jardin


DOutremont

Au moment des attentats du 22 mars 2016, Juan d’Oultremont est en train d’effectuer les lentes figures du taï-chi dans le fond de son jardin. Tout près du lieu de la catastrophe. Sous le choc, il éprouve le besoin d’une « réaction déraisonnable » : se raser le crâne ? prendre rendez-vous chez un tatoueur ? Ce sera l’écriture d’un roman, en hommage au jardin protecteur de son enfance, où les attentats l’ont surpris. Sur cet Éden extraordinaire régnait un homme qu’il a longtemps pris pour dieu, son propre père.

Si le père est dieu, Juan, c’est Judas. La matière du récit est autobiographique mais l’auteur va transformer ses souvenirs, mêlant sa petite histoire à la grande. On va ainsi découvrir sa famille en même temps que L’Expo 58, ses voisins ou son école et l’incendie de l’Innovation. Ses peurs d’alors planent - tuberculose, pensionnat ou promoteurs – mais aussi les rengaines à la mode, de Richard Anthony à Claude François. L’ambiance des années ’50 et ’60 traverse tout le roman, pleine d’espoir: « Je fais partie d’une génération née juste avant l’invention de la frigolite. L’époque est à l’optimisme. » 

Judas, on le sait, est le traitre le plus célèbre de l’histoire. Dans le roman, Juan-Judas va justifier son prénom en trahissant le père tout-puissant, en remettant en question ses compétences d’horticulteur et son pouvoir absolu sur le jardin d’Éden. Mais si tuer le père est une étape indispensable pour devenir adulte, le roman distille aussi le message inverse : Juan et son papa, au moment des attentats, partagent toujours la même maison et le récit entier rend hommage à la transmission entre les générations, aux souvenirs qui nous construisent et font de nous ce que nous sommes.

Prix Marcel Thiry 2020.

Agnès Dumont
Écrivaine -Alumni

Juan d’Oultremont, Judas côté jardin, Onlit éditions, 2020, 368 p.

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