Bachmann

En littérature, ce ne sont pas forcément la virtuosité et la brillance stylistique qui comptent : les apparents échecs ont parfois un impact bien plus important que les belles réussites. Cela vaut pour Malina (1971), le seul roman publié de sa vie par l’écrivaine autrichienne Ingeborg Bachmann (1926-1973).

Le livre raconte l’histoire des liaisons amoureuses qu’entretient la narratrice avec deux hommes, l’un diamétralement opposé à l’autre. La voix de la protagoniste, audible dans des monologues intérieurs ainsi que dans des dialogues et lettres bien insolites, ramène à la vie une position féminine désespérément subalterne, au point que le personnage parlant sera inéluctablement conduit à sa destruction et donc réduit au silence.

Le texte du roman est souvent troublant et récalcitrant, et on est en droit de se demander si l’auteure parvient toujours à maîtriser son matériau. Paradoxalement, ceci fait de Malina un témoignage d’autant plus impressionnant de la ténacité du combat bachmannien contre un langage dominé par un patriarcat qui (comme cette fille d’un nazi convaincu ne le savait que trop bien) ne peut être dissocié du nazisme.

Erik Spinoy
Écrivain, Langue et littérature néerlandaise

 

 

Ingeborg Bachmann, Malina, Trad. Philippe Jaccottet et Claire de Oliveira, Seuil, 2008, 288p.

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