Philippe Mathy : Dans le vent pourpre


Mathy

De la Meuse (endormeuse de Péguy) à Belle-Île (la sauvage du Morbihan), Philippe Mathy nous entraîne au fil de l'eau et de la Loire (évidemment, depuis qu’il réside régulièrement à Pouilly-sur-Loire), dans les clapotis de la poésie, tantôt calme, tantôt tourmentée, souvent mélancolique (Les traces déchirées / des pas disparus).

Le livre comporte six parties, suivies de quelques poèmes de circonstance dont un consacré au poète du Luxembourg belge André Schmitz (décédé en 2016), un bel hommage à un écrivain discret dont la frêle voix s'éloigne avec le vent, mais dont les mots, encore aujourd’hui, sont toujours présents, peut-être pour guérir / de la blessure de vivre. Et dans les poèmes de circonstance, j'aime aussi quand le silence d'une tronçonneuse s'ouvre sur le livre d'une autre vie, toujours cet infime quotidien qui recouvre une profondeur qui donne à la vie un sens.  

Jours de cendres, la deuxième partie, est composé de petits textes d’une justesse d’observation qui débouche sur une réflexion sur l’usage de la poésie, ainsi Un couteau se lève dès que tu écris… mais c'est pour rejoindre le cours profond du temps, pour respirer peut-être / le souffle qui t'anime. La force de Rive de Loire, la cinquième partie composée de poèmes en prose, est de mêler une annotation quotidienne, tel le vol d'une aigrette, une observation somme toute banale (de "tapis roulant" comme l’écrit le poète en observant le fleuve…), à une vérité de l'âme, ainsi l'eau qui s'écoule sait que vivre c'est disparaître. Souvent, le lecteur trouvera cette ouverture spirituelle (le mot ne me convient qu'à moitié, oserais-je dire philosophique ?) dans la chute du texte, ainsi, par exemples dans le poème de la page 75

              Le fleuve passe chargé d’alluvions, lumineux
 carillon de reflets qui invitent à la danse la faune
des rives, les souvenirs, les pensées. 

               La langue y trouve parfois les contours d’un
 poème. Je les dépose sur une page en espérant
qu’elle brûle

 J'ai là, devant moi, un tout beau livre comme cet éditeur a l’habitude de les présenter, grâce également au réalisme (quelque peu fantastique… et pourpre) des gouaches d'André Ruelle.

Alain Dantinne
Écrivain et philosophe, Faculté d'Architecture

Philippe Mathy, Dans le vent pourpre,  éditions L’Herbe qui tremble, 2021, 130 p.

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