Olivier Neveux : Contre le théâtre politique
L
es acteurs de ce qu'il est convenu d'appeler le milieu culturel (un peu comme s'il existait des milieux qui ne le soient pas, étrange perspective) savent qu'il est de bon ton pour un spectacle d'être "engagé". Ce que signifie être engagé reste bien nébuleux : engagé signifie-t-il avoir pris une position politicienne ou partisane ? Avoir dénoncé à grands cris pleins du courage de celui qui est à l'abri les dérives évidentes du monde contemporain ? S'être saisi d'une position tant soit peu subversive (enfin, s'il en reste) ? Quoi qu'il en soit, l'engagement, la question de société, la problématique, l'enjeu… sont autant de garants pour un spectacle d'être adoubé au sein du cercle trop restreint des subventions d'état comme au sein des élites intellectuelles débordantes de mots qui sont le public chéri des festivals d'art contemporains.
Reste pourtant que le théâtre politique, aux yeux des observateurs de longues dates, semble avoir disparu. À l'heure actuelle, celle peut-être de la relativité de tout pour tous, la question des relations entre Politique (la noble, celle dont dérivent les enjeux citoyens, pas la petite bourgeoise dont chutent lourdement les élus) et Art mérite d'être posée.C'est ce que fait, avec beaucoup d'intelligence, Olivier Neveux dans cet ouvrage.
Questionnement bien plus que réponse, l'auteur y passe en revue les relations qu'ont toujours entretenus ces deux rouages essentiels de la pensée critique : l'art (ou la culture) et le politique.L'écriture en est malicieuse et pousse loin des interrogations qui me paraissent d'autant plus cruciales dans les temps que nous connaissons qu'on pourrait bien assister à une forme de censure sanitaire de la parole artistique. Ces temps où un virus nous a tout à la fois privés de nos libertés fondamentales mais aussi, par effet de rebond, des arts vivants capables de critiquer ou de contextualiser cette privation au travers des prismes de la fiction sont utilement lisible avec les lunettes de cet ouvrage ébouriffant.
Christophe Kauffman
Écrivain, Alumni Faculté de Philosophie et Lettres
