Milan Kundera : La vie est ailleurs


Kundera

Il en va des rêves comme des mots : on y croit, tantôt avec un peu trop de force.

On — sa mère, un peintre féru de surréalisme, l’absence d’un père — a fait croire à Jaromil qu’il possédait un génie poétique précoce, il s’accrochera à cette conviction et tâchera de la confirmer, à défaut d’avoir véritablement le talent. Plus que toute autre, la vie de Jaromil est un songe — et là peut-être plus qu’ailleurs réside l’attachement qu’on a pour lui —, une cavale lyrique où il ne peut s’empêcher de s’accrocher à des idéaux : la poésie, la politique communiste, l’amour sans concession, toujours avec un désir ardent de reconnaissance. À travers le parcours de Jaromil, de la prime enfance au jeune adulte, que Kundera scande de brefs récits sur la vie de grands poètes, perce une sorte de tristesse diffuse, celle qu’on ressent quand même les efforts les plus orgueilleux peinent à donner du sens à la réalité, celle qui nous plombe quand on perçoit chez quelqu’un (chez nous surtout) les projections pesantes d'autrui qui l’empêchent de se sentir tout à fait libre (Jaromil nous fait en ce sens penser au Sartre des Mots, sa mère au grand-père de Sartre), ou encore celle qu’on éprouve au sentiment de vivre toujours un peu à côté, ailleurs, là où « la vraie vie est absente », où on ne parvient pas à faire naître qui l'on est. Un roman sur l’adolescence, l’âge poétique."

Charles Perrier
Étudiant en Philosophie

Milan Kundera, La vie est ailleurs, Trad. François Kérel, Folio, 1976, 472 p.

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