Tsuyoshi Hasegawa : Staline, Truman et la capitulation du Japon. La course à la victoire


Hasegawa

L’auteur est professeur d’histoire à l’université de Californie à Santa Barbara. L’ouvrage se base sur les archives japonaises, américaines et russes.

Le livre répond à plusieurs questions : 1. Quelle est la raison majeure qui força le Japon à capituler en 1945 ? - 2. Quel fut le rôle de l’empereur dans la décision de capitulation (mais aussi pendant la guerre en général) ? S’interroger sur cette question reste d’ailleurs actuellement un tabou au Japon. 3. Quelles sont encore de nos jours les conséquences en de cette capitulation en termes de revendications territoriales?

C’est l’intervention soviétique du 8 août 1945 et ses rapides gains territoriaux en Mandchourie (rétrocédés à la Chine communiste en 1955) et en Corée (faisant partie de l’empire japonais depuis 1910) avec une menace d’une occupation soviétique imminente  de l’archipel du Japon lui-même, bien plus que  les bombes atomiques américaines, qui ont poussé le pays à capituler. La menace d’un Japon communiste après-guerre fit donc fortement pencher la balance.

Quant à l’empereur, le livre explique d’abord son assentiment envers la stratégie japonaise de 1940 visant à déterminer la future direction de l’extension de la zone géographique de la “sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale” (préférence donnée aux possessions occidentales plutôt qu’à la Russie, la “trahison” de l’Allemagne nazie en 1939 par le pacte de neutralité germano-soviétique n’étant pas étrangère à ce choix). Le livre démontre également que la menace russe est l’argument majeur qui pousse l’empereur à “accepter l’inacceptable” pour sauver le pays (mais aussi l’institution impériale). L’auteur conclut en ces termes: “la poursuite du règne de l’empereur après la capitulation rendit la culpabilité du Japon dans la guerre ambigüe et contribua à l’incapacité du Japon d’affronter son passé”.

En 1944 à Yalta, le président Roosevelt demanda à Staline l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon un an plus tard afin de sauvegarder des vies américaines. Mais Staline y avait assorti des conditions,  à savoir, récupérer les territoires perdus de la guerre russo-japonaise de 1904 (dont les îles Sakhaline sud) mais aussi d’y adjoindre pour des raisons de sécurité les quatre îles formant les îles Kouriles du sud (les îles Kounashiri et Etorofu faisant partie intégrante des Kouriles méridionales donnent un accès à l’océan  Pacifique alors que Vladivostok est gelé par les glaces en hiver). Khroutchev proposa en 1956 de rendre au Japon deux des quatre îles (Shikotan et Habomai) afin de clore le conflit (tout en intégrant Kounashiri et Etorofu à l’URSS pour des raisons stratégiques). Le Japon refusa. Même le parti communiste japonais a toujours contesté cette occupation. Ce conflit territorial empêche encore de nos jours la signature d’un traité de paix entre le Japon et la Russie.

Robert Mary
Étudiant en Langues et lettres orientales

Tsuyoshi Hasegawa, Staline, Truman et la capitulation du Japon. La course à la victoire, trad. Michèle Mat, éditions de l’Université de Bruxelles, 2014, 337p.

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