Enzo Traverso : Mélancolie de gauche


Traverso

Cet essai de l’historien italien Enzo Traverso apporte une bouffée d’air frais dans un contexte où l’horizon politique de ceux qui espèrent « une autre société » semble bien sombre. Devant le constat d’un reflux des luttes révolutionnaires depuis la fin des années 80, il propose de lever le voile sur une tradition cachée, occultée et refoulée de la « culture de gauche », celle de la mélancolie. En mobilisant textes et images, il fait découvrir au lecteur cette dimension qui, du 19e au 21e siècle, imprègne les auteurs et les artistes de gauche, d’Auguste Blanqui à Daniel Bensaïd, en passant par Gustave Courbet ou encore Théo Angelopoulos. Contre une culture mémorielle qui s’apitoie sur les victimes, Enzo Traverso propose une analyse de la mélancolie qui en dévoile sa double caractéristique : à la fois défaite sublimée inscrite dans la séquence plus large d’un processus révolutionnaire mais également moment de deuil, de recueillement et de prise de conscience des vaincus. C’est donc la dimension cathartique du deuil que ce livre souhaite mettre en avant en plongeant le lecteur dans une série d’expériences : celle de la rencontre manquée entre marxisme et anticolonialisme, celle d’un cinéma mélancolique qui sublime la douleur de la guerre d’Espagne ou du coup d’État au Chili ou encore celle d’un Jules Valles, d’une Louise Michel ou d’un Walter Benjamin qui illustrent, chacun à leur manière, la place de la mélancolie dans la lutte comme dans l’histoire révolutionnaire. Le voyage, qui prend parfois des allures d’odyssée, transporte le lecteur vers des rivages oubliés et l’invite à repenser la fonction mémorielle, non pas comme célébration du passé mais comme cheminement vers un autre futur.

Elie Teicher
Département des Sciences historiques

 

Enzo Traverso, Mélancolie de gauche : la force d’une tradition cachée (XIXe –XXIe siècle), Paris, La Découverte, 2016.

Retourner à la page des Lectures pour l'été 2019

>> Suivant

Partager cette page