Guillaume Orignac : Rire au temps de la honte


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Pendant longtemps, de ce côté-ci de l’Atlantique, nous n’avons rien compris à la pratique du stand-up, la résumant à une performance scénique un peu paresseuse qui consiste à lancer des blagues, plus ou moins inspirées, devant le micro d’un cabaret où s’impatiente un public plus ou moins concerné. Pour beaucoup, il fallut attendre une série télévisée comme Seinfeld (1989-1998) pour en avoir un premier aperçu plus exact. Ces dernières années, tandis que les plateformes de streaming nous abreuvent des shows des grandes stars américaines actuelles (Daniel Sloss, Trevor Noah, Sarah Silverman…) ou de séries situées dans le milieu (The Marvelous Mrs. Maisel), le genre trouve un chemin en France avec, surtout, de brillantes prestations féminines (Blanche Gardin, Marina Rollman, Fanny Ruwet…) et permet de comprendre que le ressort premier de ces spectacles à caractères autobiographiques n’est autre que le malaise. De ce point de vue, Louis C. K. apparaît à beaucoup comme l’un des maîtres, évoquant sa vie médiocre et ses pulsions onanistes sur scène sans pudeur, mais avec un incroyable succès, avant d’être  accusé, en 2017, par plusieurs actrices de s’être masturbé devant elles sans leur consentement.

De ce fait troublant (et reconnu par l’intéressé), le critique de cinéma Guillaume Orignac tire un essai brillant, remontant aux sources du stand-up, s’arrêtant avec passion sur le cas fascinant de Lenny Bruce, réfléchissant sur la place de l’insolence et de l’indécence dans l’humour, mais aussi sur la mise en scène de la contrition et de la honte dans notre système médiatique. Subtil et cinglant.

Dick Tomasovic
Théorie et pratique du spectacle vivant et enregistré

Guillaume Orignac, Rire au temps de la honte. Une histoire de Louis C. K., Éditions Façonnage, 2021,150 p.

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