Tristan Saule : Mathilde ne dit rien


Saule

C'

est banal à dire : la littérature noire n’a pas son pareil pour parler de la merde noire dans laquelle nos sociétés plongent une partie de la population. Boulots pénibles cachant à peine une exploitation éhontée de la misère, logements insalubres ou propriétaires vénaux, peur du flic, peur du lendemain et du jour-même, peur de l’expulsion (du logement, de la société, du pays), petits caïds qui sèment la terreur, ghettos urbains, destruction des rêves et des espoirs… : voilà le monde dans lequel vit Mathilde, travailleuse sociale, mal à l’aise, mal fagotée. Mathilde, elle est prête à mettre les mains dans le cambouis. Et même à flirter avec la légalité. Parce qu’il n’y a souvent rien d’autre qui fonctionne quand il faut sortir les plus vulnérables du bain crasseux où les plonge la cupidité des plus forts. Et puis Mathilde a un passé, qu’on devine douloureux, et pas net. Peut-être Mathilde ne dit-elle rien parce que le silence est le meilleur allié du secret ? Ou parce que, face à l’injustice, face à la méchanceté sans limite de l’humanité, il n’y a pas grand-chose à dire — s’asseoir sur le trottoir et pleurer ou bien agir, sans demi-mesure ?

Oui, vraiment, il n’y a que la littérature noire pour donner une voix à ces personnages qui n’ont pas le loisir luxueux de s’astiquer l’égo dans le miroir de l’autofiction. Voici donc un roman, un vrai, incarné. Sale et gris (entendez : ni tout blanc, ni tout noir). Voici donc Mathilde. On la connaît, on la croise dans nos rues. Elle ne dit rien. Elle est plus forte que nous, plus sincère, plus volontaire. On lit son histoire et on ne l’oublie plus jamais.

Philippe Marczewski
Écrivain - Alumni

Tristan Saule, Mathilde ne dit rien, Le Quartanier, 202, 288 p.

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