nothomb

Amélie Nothomb dit de ce roman qu’il a été longuement prémédité, que ses romans précédents n’étaient que des exercices de musculation visant à écrire cette histoire en tant que Jésus.

Jésus nous raconte donc la fin de sa vie, de la description de ses disciples, de ses parents et de son amoureuse jusqu’à la crucifixion et (l’)au-delà. L’auteure à succès propose ainsi un point de vue incongru des derniers moments de conscience du Christ : le sien. Il fallait l’oser et comme elle l’explique, y être préparée.J’avertis d’emblée : Amélie Nothomb est une de mes auteures préférées, ses romans sont donc toujours accueillis dans un tapis de fleurs et d’a priori positifs. Dans « Soif » comme dans chacun de ses romans, je me suis délectée du style d’écriture, de la (re)découverte de mots de vocabulaire (24 pour 162 pages), de l’humour et de l’esprit génial de l’auteure qui transparaît à chaque coin de phrase. J’ai apprécié ne pas tout comprendre, voilà qui laisse mon esprit dans l’expectative d’une joyeuse marge de progression. Je savoure ses romans comme on découpe en 36 bouchées une part de crapuleux qu’on sépare par des pauses d’extase pour faire durer le plaisir au maximum. Ses œuvres me laissent systématiquement enivrée et avec l’envie de dévorer l’un à la suite des autres tous ses romans (chose que je ne fais jamais, l’art d’Amélie Nothomb ne se binge-read pas : il se savoure et se ritualise).

Dans « Soif », j’ai aimé que l’auteure nous raconte une histoire et qu’elle s’en serve pour aborder grâce à elle des invariants de l’expérience humaine et spirituelle : l’amour, la soif, la mort. Cela a donné lieu à de multiples soupirs d’aise et à de délectables prises de conscience. Le rythme est donné par de nombreux paragraphes qui aèrent la lecture. Le récit d’Amélie Nothomb humanise également Jésus, nous éclaire sur ses failles, brisant de ce fait l’aura mythique et mystique qui l’entoure pour le rendre à notre espèce. Il fait pipi et il flippe parfois, comme nous. Prendre la perspective du Christ permet de mieux le comprendre, l’identification fonctionne et en toute honnêteté, je prendrais carrément mes places pour son prochain spectacle de paraboles si l’occasion m’en était donnée. Voire même, j’attendrais à la fin pour lui toucher son habit de lin ou lui baiser les pieds. Avec un peu de recul qui mène à l’émerveillement, on se rend compte de toute la culture et de l’expertise d’écriture de l’auteure… C’est également rafraîchissant de lire une histoire vue et revue (la Passion du Christ, steuplé…) et d’être prise par l’intrigue par le simple biais d’un changement de narrateur. Voilà comment transformer une vieille histoire en roman moderne et intemporel.
Génial. Tout simplement.
 
Élodie Mormont

Service de psychopathologie de l'enfant

Amélie Nothomb, Soif, Le livre de Poche, 2021, 128 p.

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