Violaine Lison : Ce soir, on dort dans les arbres


Lison

Tout pour la vie… Des mots simples. Des mots de tous les jours. Une petite-fille s’adresse à sa grand-mère :
Tu as cent ans aujourd’hui.
Cent ans ? Pas possible… Tu ris en me regardant, comme si je t’avais fait une blague.
La grand-mère a perdu la notion du temps. Car à cet âge-là, on perd tout :

Tu perds les jours, les gestes, les visages.
Tu perds les mots, les mondes, les armures.
Tu oublies, tu sèmes, tu disperses.
Tu vides tes poches et ta mémoire. 

[…]

Tu ne gardes que le vrai, le vital.
Le pain, le sucre, le café noir.
La voix, les voiles.
Et ton regard qui s’échappe par l’échancrure
de la fenêtre.

Elle a perdu aussi, semble-t-il, son souvenir à Lui.
Lui. L’homme de ta longue vie. Lui mort avant elle, égaré en chemin. Pour mieux le rejoindre ? On ne peut retrouver que ce qu’on a su perdre.

Ce bref poème – à peine une vingtaine de textes – sobrement illustré par Valérie Rouillier, c’est l’histoire d’un accompagnement dans la connivence. Avec simplicité, avec tendresse, avec une empathie sans apitoiement, la petite-fille tient la main de sa grand-mère qu’elle berce de vieux chants – juste retour des choses. J’aimerai toujours le temps des cerises / Et le souvenir que je garde au cœur…  Et qu’importe si la vieille dame ne sait plus qui est cette compagne à son chevet :

Je te rassure.
Te murmure : Je suis là.
Mère, fille, infirmière, petite-fille.
Je suis toutes celles-là à la fois.

Le dernier voyage est proche, certes. Pas le vieux capitaine de Baudelaire, non. Une barque entre deux eaux. Et une nautonière qui aide au passage, comme une sage-femme :

Je me penche sur ton berceau centenaire.
Et souffle dans les voiles.

Le livre refermé, juste une envie : le relire. Le reprendre da capo pour en savourer encore, dès l’épigraphe, le simple et beau message si souvent oublié :

« Pour la vie…
Tout pour la vie…
Louise Leleux, cent ans »

Daniel Charneux
Écrivain - Alumni

Violaine Lison, Ce soir, on dort dans les arbres, ill. Valérie Rouillier, Éd. Esperluète, 2021, 45 p.

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