Alina Bronsky: Le dernier amour de Baba Dounia


Bronsky

«L

e biologiste m’a expliqué qu’il y avait chez nous des araignées qui tissent des toiles particulières, mais aussi des cigales qui émettent des sons différents. J’aurais pu le lui dire aussi, il suffit d’avoir des oreilles pour s’en rendre compte. Le biologiste, en tout cas, n’a pas d’explication. Avec ses appareils, il a enregistré le chant des cigales et les a écoutées, chronomètre et bloc-notes en main. Dans une boîte transparente à trous, il a enfermé plusieurs douzaines de spécimens qu’il voulait montrer à son université. Il a promis de me prévenir s’il trouvait une réponse. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles. »

Voilà qui donne le ton de ce roman savoureux et décapant. Après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, Baba Dounia reprend possession de ses terres, en plein cœur du périmètre de sécurité. Elle se moque bien des conseils sanitaires du gouvernement et des inquiétudes de sa fille : elle ne voit pas pourquoi elle devrait vivre ailleurs. Ils sont tout un petit peuple à se côtoyer dans ce village reclus et désaffecté : une voisine hypocondriaque, un moribond fantasque, un centenaire rêvant d’amour… Ils passent leurs journées en compagnie des poules, des chats, des fantômes de leur passé. Et quand Baba Dounia, une mystérieuse lettre cachée contre son cœur, est arrachée à sa maison, c’est tout un village qui se mobilise pour faire revenir celle qui leur tient lieu de repère.

Alina Bronsky, avec un humour à toute épreuve, nous emmène dans un univers kafkaïen où s’entremêlent débrouille élémentaire et sagesse immémoriale. Une lecture corrosive et solaire comme le cœur de sa vieille héroïne.

Caroline Valentiny
Écrivaine - Alumni

Alina Bronsky, Le dernier amour de Baba Dounia, Traduit de l’allemand par Isabelle Liber, Actes Sud,  2019, 151 p.

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