Ono no Komachi et Izumi Shikibu : Lune d’encre


Komachi

Le tanka, beaucoup moins connu que le haïku, en est pourtant le proche parent et fait partie de ces formes de poésie nées et perfectionnées dans le Japon ancien. Il s’est également popularisé en Occident au XXe siècle, quoique dans une mesure moindre que le haïku. Le tanka s’écrit en 3 lignes de 5, 7 et 5 syllabes (comme le haïku) et 2 lignes de 7 syllabes. On a donc un rythme de 5-7-5/7-7 (mais inutile de compter sur ses doigts, cette règle ne doit pas être suivie à la lettre). Le tanka s’écrit sur base d’un contrepoint entre deux éléments : d’une part un tercet ancré dns le monde extérieur et nourri par l’acuité des perceptions et d’autre part un distique évoquant les émotions, les sentiments qui en découlent chez l’auteur, sans en être le simple commentaire, grâce au « pas de côté » qui ouvre le poème, lui donne sa portée inattendue, ses allusions, sa profondeur.

Dans ce recueil, tous les tankas sont précédés de la version translittérée du japonais. La traduction, art particulièrement difficile en poésie, s’écarte du rythme parfait du texte japonais pour mieux révéler le côté acidulé, poignant, tendre, rebelle ou nostalgique de l’amour et de l’impermanence des choses et des sentiments. Parfois, les auteures nous donnent en une ligne le contexte dans lequel le poème a été rédigé et nous ouvrent alors une fenêtre sur le monde parfait de l’âge d’or de la poésie japonaise.

Quand Funya no Yasuhide fut nommé gouverneur du Mikawa écrivit pour me demander si je désirais visiter son district. Je répondis :

Ce corps
devenu fragile, flottant,
roseau coupé de ses racines…
Si un ruisseau m’invitait
à le suivre, j’irais, je pense.
(Ono no Komachi)

Quelqu’un demanda à emprunter un livre, mais puisque je n’avais pas fait de copie pour moi, je lui ai envoyé ce poème à la place :

Nous habitons
une crique balayée par la mer
êtres flottants, jetés.
Dans un tel monde, pourquoi s’attacher aux
recueils de poèmes ?
(Izumi Shikibu)

Ces deux poétesses de l'époque Heian (future Kyoto) ont été et sont toujours extrêmement célèbres au Japon. Le recueil est précédé d’une brève introduction sur la poésie à la cour de Heian et au parcours poétique des deux auteures.

Marie Derley
Écrivaine - Alumni

Ono no Komachi et Izumi Shikibu, Lune d’encre. Poèmes d’amour et d’impermanence, Les éditions du tanka francophone, 2020

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