Ursula K. le Guin : Le Monde de Rocannon
Inaugurant ce qui deviendra le « Cycle de Hain », Le Monde de Rocannon est le premier roman de science-fiction d’Ursula Le Guin, un livre qui, avec force et originalité, entrelace le monde futuriste de la SF et l’imaginaire féodal de la fantasy.
Tout commence dans un musée de la Nouvelle-Géorgie du Sud. Sous les yeux de l’ethnologue Gabriel Rocannon, une inconnue demande à ce qu’on lui remette un collier enfermé dans une vitrine. Cette femme vient d’une planète voisine, Fomalhaut II, sur laquelle le chercheur est envoyé quelques années plus tard avec pour mission d’étudier les « HILFs (Highly Intelligent Life Forms) » qui y ont été autrefois recensées et que décrit sommairement le guide interplanétaire qu’il garde dans sa poche. Mais, à la suite de la brutale destruction de son vaisseau et de son équipage, Rocannon, nommé Rokanan par ceux qui l’ont recueilli, s’engage dans une aventure guerrière qui, du monde de la science d’où il est issu, le fait peu à peu glisser dans celui de la légende et du mythe.
Fascinant bijou inspiré des mythologies nordiques, Le Monde de Rocannon ne tient pas seulement sa beauté de l’univers réenchanté de la fantasy. Il constitue aussi une fable anthropologique où de nouvelles exohumanités (Argiliens, Fiia, Angyar, Olghor, Kièmhrir, etc.) ne cessent d’altérer et de reconfigurer le domaine de l’humain – comme ce sera le cas aussi dans La Main gauche de la nuit ou Le Nom du monde est forêt. Si le récit suit une trajectoire sobre et linéaire (celle de Rocannon/Rokanan s’ouvrant à son destin), il ménage aussi de nombreuses surprises – et rencontres – dont l’étrangeté sublime réveille, comme aime à le dire Le Guin, les dragons que nous portons au fond de notre psychè.
Olivier Dubouclez
Écrivain - Département de Philosophie
