Mann

Si Thomas Mann a pris conscience assez tardivement des dangers du nazisme, son fils Klaus avait très tôt alerté ses compatriotes contre le danger mortel que représenterait l’arrivée du NSDAP au pouvoir. Contraint à l’exil, errant de pays en pays avant de rejoindre les États-Unis et de s’engager dans l’armée américaine, contribuant ainsi à la victoire des Alliés contre l’hydre brune, Klaus Mann a tiré de son expérience d’exilé un roman polyphonique, Le Volcan, moins connu que son autobiographie, Le tournant, mais d’une puissance narrative analogue.

Derrière la galerie foisonnante de personnages qui peuplent ce roman, c’est toute l’émigration allemande d’avant-guerre qui est convoquée : Juifs, communistes, sociaux-démocrates, intellectuels, artistes, etc. Depuis Paris, ce sont les récits qu’apportent les rescapés des camps de concentration ou leurs proches, c’est la presse antinazie, c’est l’attente angoissée de nouvelles venues de l’enfer, mais c’est aussi l’espoir, la volonté en tout cas, de mettre fin à l’expérience la plus déshumanisante de l’histoire humaine. Les sentiments (angoisse, espoir, révolte, colère, tristesse) s’entrecroisent et la grande histoire (la guerre civile espagnole, l’Anschluss) côtoie l’histoire des individus qu’elle aspire et broie à la fois.

Le style de Mann, sans fioritures, net, précis, rapide, confère à cette œuvre chorale un rythme haletant qui ne faiblit jamais.

Rarement œuvre littéraire engagée aura à ce point mérité de figurer au panthéon des œuvres de l’esprit, aussi bien pour ses qualités romanesques exceptionnelles qu’en tant que témoigage d’une aventure humaine collective en fin de compte assez peu connue : celle de l’antinazisme allemand.

Nicolas Thirion
Droit commercial

Klaus Mann, Le volcan, Grasset, coll. Les cahiers rouges, 1993, 554 pp.

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