Joseph Favre : Dictionnaire universel de cuisine pratique
Il y a deux ans, ressortait pour notre plus grand bonheur le Dictionnaire Universel de Cuisine Pratique (1894-1906) de Joseph Favre (1849-1903), réédité en 2006 et préfacé pour l’occasion par le regretté Jean-Pierre Coffe. Cette œuvre majestueuse oubliée du grand public a pourtant été l’un des plus grands classiques de la gastronomie française. Favre, d’origine suisse, est monté à Paris et a travaillé dans les cuisines du fameux traiteur Chevet, Palais Royal, avant de diriger les cuisines de Bignon ou du Café Riche. Véritable encyclopédiste de la cuisine, progressiste et féru d’hygiénisme, il crée en 1877 le journal La Science culinaire. À partir de ce moment, il ne cesse promouvoir les arts culinaires dans les principes de l’hygiène et des sciences, notamment en créant en 1888 l’Académie de cuisine de Paris qui deviendra l’Académie culinaire de France. C’est à partir de ce moment que commence à paraître le Dictionnaire universel, son œuvre ultime. L’ouvrage est un chef-d’œuvre d’organisation et de somptuosité. Jalonné de très belles gravures, il nous plonge dans la cuisine bourgeoise fin-de-siècle avec ravissement. Les recettes sont très claires, mais demandent probablement un petit peu plus de patience que les recettes modernes… mais quel régale… Elles sont régulièrement accompagnées d’histoire croustillantes et de considérations hygiéniques souvent pertinentes, ou qui prêtent à sourire, comme ce laïus visant à démontrer que la bière, la choucroute et l’eau de vie consommés par l’homme du Nord en font « un taciturne peu courtois et d’une puissance intellectuelle très secondaire. » Une nouvelle preuve que de tout temps, l’alimentation véhicule bon nombre de valeurs et de préjugés profondément enracinés dans les cultures…
Joseph Favre inspire encore les grands chef d’aujourd’hui, comme Franck Giovannini.
Pierre Leclercq
Histoire de l'alimentation
