Paula Porroni : Bonne élève


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Pas forcément simple, la vie d’une bonne élève qui a quitté son Argentine natale pour fouler les pelouses souvent détrempées des meilleurs campus anglais. Surtout quand les rapports avec la mère, à l’autre bout du fil ou par écran interposé, sont plutôt tendus.

Une mère qui vit seule avec son chien après la mort du père. Une fille –unique- de l’autre côté de l’Atlantique, soupçonnée de sacrifier le patrimoine familial en s’obstinant à poursuivre une interminable thèse d’histoire de l’art sur la nature morte. La bonne élève livrée à elle-même jette un regard désabusé et acide sur les mœurs anglaises, l’avarice des logeurs de tout poil, le cosmopolitisme au rabais des communautés de chercheurs. Mais elle n’est pas plus tendre avec elle-même, et exhibe sans fard ses difficultés relationnelles, ses (més)aventures sexuelles, sa vie d’intello obsédée par le travail.

Tout semble recouvert d’une couche de poussière suspecte. C’est sale, c’est drôle.

« Je vis au nord de Londres avec ma famille d’accueil. Ma famille anglaise, de substitution. Deux vieux pauvres, sans enfants. Les dents pourries. Mes nouveaux parents craignent par dessus tout que je gaspille trop d’eau en prenant mon bain ou que je laisse le robinet ouvert quand je fais la vaisselle. Mais c’est très facile de les manipuler. Si j’arrive en retard au dîner, j’apporte un bouquet de fleurs pour ma nouvelle mère, des pralines alcoolisées pour mon nouveau père. Et eux, tout de suite, ils me pardonnent. Tu n’aurais pas dû te donner cette peine, disent-ils, et ils sourient en masquant d’une main leurs dents noircies. »

Alexis Alvarez Barbosa
Écrivain, musicien et professeur de langue espagnole

Paula Porroni, Bonne élève, Trad. de l’espagnol Marianne Million, Notabilia, 2019, 148p.

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