Clarice Lispector : Daydream and Drunkenness of a Young Lady


Lispector

Derrière le titre indécis Daydream and Drunkenness of a Young Lady se dissimulent la détresse affective et l’ébranlement intérieur de trois personnages féminins. Trois jeunes femmes, certes, de même que trois épouses et trois mères mais, avant tout, trois êtres tacitement éprouvés sont décrits murés dans une routine aussi rassurante et confortable qu’oppressive.

Clarice Lispector, dans ce trio de nouvelles sélectionné par Penguin, dépeint d’une façon déconcertante de simplicité le point de basculement dans le morne quotidien des protagonistes. La prose limpide de l’auteure n’a de fait d’égale inverse que la confusion mentale qui accable brusquement chacune d’elles de son poids. C’est l’instabilité du monde extérieur, contraste criant avec leurs logis d’ordinaire soigneusement entretenus et agencés, qui réussit à s’immiscer à la fois chez elles et en elles. Une taverne, un tram, un jardin botanique ou encore les abords d’une plage sont autant de lieux publics qui bouleversent par l’absence d’ordre, la fragilité, la finitude et le déclin qui semblent les singulariser. Ils abritent les éléments déclencheurs d’une réflexion introspective et d’une prise de conscience de la part de ces jeunes femmes envers le caractère irréel de leur intimité aseptisée.

Loin d’être source d’un déséquilibre néfaste, ce chaos ambiant inspire au contraire une certaine gaieté domestique jusqu’alors insoupçonnée. Il s’avère ainsi que, par un subtil jeu d’osmose et de partage des peines, la rencontre de deux milieux troublés en profond désaccord peut engendrer discernement et jovialité.

Laura Gerday
Centre d’Enseignement et de Recherche en Études Postcoloniales

Clarice Lispector, Daydream and Drunkenness of a Young Lady, Trad. anglaise de Katrina Dodson, Penguin Books, Penguin Modern Classics, 2018, 49 pages.

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