Bove

Victor Bâton, rescapé de la Grande Guerre, est un homme qui ne travaille pas, un looser trentenaire qui ne veut pas travailler… Au fil de ses promenades solitaires, il erre dans Paris à la recherche d’une amitié qui donnerait un sens à sa vie. Les rencontres se succèdent, toutes décevantes pour ce garçon à l’identité fragile et à l’âme sensible. Ses amis éphémères, entre les mains de qui il place tous ses espoirs, ne sont pas moins pathétiques que lui : Lucie, sa maîtresse sans lendemain, est tenancière d’une gargote ; l’interlope Billard se révélera intéressé ; Neveu est un marinier indélicat ; Blanche est danseuse de cabaret. Enfin, le riche et condescendant Lacaze s’avère être un « collectionneur de pauvres ». Véritable anti-héros, parfois veule, souvent inadapté, Bâton nous convie, avec ironie et précision, à l’exploration d’un quotidien banal, fait de misère, de velléités et de privations. Si Bove reste actuel et nous fascine autant, c’est par son sens du détail juste et signifiant, et par cette compassion complexe qu’il partage avec son lecteur, comme le fit Simenon quelques années plus tard.

Ce livre inclassable, dont le vrai personnage est l’incommunicabilité, continue d’exercer son charme intemporel. Emmanuel Bove, né Bobovnikoff, publia Mes Amis en 1924. Écrivain prolifique, il ne cessera d’écrire, jusqu’à sa mort, en 1945, une authentique comédie humaine. Son écriture moderne, singulièrement dépouillée, éblouira nombre de ses contemporains, de Rilke à Gide, en passant par Max Jacob.

Karel Logist
Poète et écrivain. ULiège Library

Emmanuel Bove, Mes amis, Éditions de l’Arbre vengeur, Coll. L’arbuste véhément, 2018, 200 p.

 

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