Éric Chauvier : Le Revenant


Chauvier

«Qui se douterait que Charles Baudelaire agonise parmi la foule ? » Personne, à l’évidence. Tous nous marchons droit, smartphone en main, en proie à cet état de panique chronique qui nous aura fait passer à côté du miracle : le grand poète est de retour, cent cinquante ans après. C’est lui, en effet, ce « zombie syphilitique » agonisant sur le trottoir parisien, ce mort-vivant qui concentre les multiples figures du paria (toxico, pédophile, terroriste…) – bouc émissaire de nos haines et de nos confusions. Anthropologue de la périphérie et du regard décentré, Éric Chauvier donne ici un essai en forme de fable fantastique dont l’écriture puissante met à nu notre condition contemporaine, chosifiée et aveugle.

Car la zombification de Baudelaire n’est qu’un détour pour exhiber la nôtre, au cœur de cette pourriture moderne dont l’auteur des Fleurs du mal a su, mieux que quiconque, dévoiler le sens. Là se trouve d’ailleurs le cœur battant de cet opuscule comparable à nul autre : la poésie baudelairienne y fait retour (« La rue assourdissante autour de moi hurlait »), elle se mêle au discours de l’anthropologue, elle y résonne comme une grâce.

Livre aussi bref que viscéral, au phrasé acide et revigorant, Le Revenant nous rappelle à la vérité du poème.

Olivier Dubouclez
Département de Philosophie

Éric Chauvier, Le Revenant, Allia, 2018, 74 p.

Retourner à la page des Lectures pour l'été 2019

>> Suivant

Partager cette page