Jean-François Braunstein : La philosophie devenue folle. Le genre, l’animal, la mort
La philosophie peut-elle devenir folle ? À suivre Jean-François Braunstein, les propos de certains philosophes contemporains relèvent en tous cas de la folie. Certes, les philosophes ont toujours été vus comme des êtres « un peu fous ». Le diagnostic de l’auteur est autrement plus préoccupant. On le trouvera dur. Il est à la mesure des symptômes analysés.
Car, c’est là un atout important de l’ouvrage, Braunstein a beaucoup lu et ne rechigne pas à nous le faire savoir : il laisse très largement parler les penseurs dont il étudie les œuvres. Et celui-là de justifier « philosophiquement » la pédophilie, cet autre l’expérimentation médicale sur des sujets humains jugés déficients ou plongés dans le coma, ce dernier l’infanticide à loisirs des bébés de moins de 28 jours sous prétexte que « les enfants sont remplaçables ». Comment cela est-il possible, se demande-t-on ? Ce livre illustre à merveille que ce sont bel et bien de bonnes intentions que sont pavés les enfers. La pente savonneuse est douce mais longue, très longue, et descend donc bien bas. Braunstein s’attelle, non sans ironie, à nous la faire suivre, pas à pas, accompagnant les auteurs qui s’y aventurent, eux, avec un enthousiasme souvent malsain.
Le constat de folie n’intervient qu’à la toute fin du livre, quand le lecteur a déjà tiré pour lui-même une conclusion identique. Mais l’auteur n’en demeure pas là, et envisage un remède, à inoculer dès que possible : retrouver le sens des frontières, des limites, contre toutes les tentatives morbides – qui ont au moins le mérite d’être explicites à qui prend la peine, comme Braunstein, de lire – de réduire l’humanité à du « compost ». C’est une tâche conséquente, où la philosophie doit très certainement tenir sa partie.
Stany Mazurkiewicz
Département de Philosophie
Jean-François Braunstein, La philosophie devenue folle. Le genre, l’animal, la mort, Grasset, 2018, 400 p.
