Christian Chelebourg : Disney ou l’avenir en couleur


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La valeur absolue de la famille traditionnelle, le monde édulcoré des princesses, le schéma patriarcal omniprésent, l’apologie du capitalisme, le manque de représentation des diversités ethniques et sociales, la permanence de la naïveté sentimentale… Une frange importante des spectateurs se tient à distance des productions Disney en leur reprochant une forme récurrente de niaiserie volontiers réactionnaire. C’est à ces regards tantôt violemment critiques, tantôt plus simplement circonspects, mais toujours trop généralisants, que l’on voudrait faire d’abord lire l’ouvrage de Christian Chelebourg, professeur en littérature française et littérature de jeunesse. Renversant les rapports de domination que les études culturelles participent ordinairement à révéler, l’auteur propose une lecture à la fois globale et transversale des productions de l’entreprise en les articulant à la stratégie économique du géant du divertissement. Le point de vue se revendique ainsi des Corporate Studies et montre que la firme Disney est dépendante des consommateurs et qu’il lui faut en permanence, afin de ne pas compromettre sa rentabilité, éviter les polémiques médiatiques pour mieux assurer l’adhésion d’un très large public international. Mais loin de se cantonner aux valeurs refuges du traditionalisme, il apparaît que la caractéristique de l’entreprise est d’encourager une série de mouvements qu’elle estime progressistes afin d’accompagner les évolutions de nos sociétés contemporaines.

Pour les besoins de la démonstration, Chelebourg se lance à l’assaut du Disneyverse (défini comme l’univers que forge la marque à travers ses innombrables productions et canaux médiatiques), analyse des centaines de dessins animés, de films, de séries télévisées, d’attractions, de comédies musicales, de comics ou de jeux vidéo, et passe en revue les représentations des structures de la famille et des modèles sociaux, mais aussi de l’inclusivité et de la diversité, des fêtes traditionnelles (Noël et Halloween), des destinées des personnages et de leur libre-arbitre, des conceptions de la cité et de la citoyenneté, de la guerre des sexes, du politiquement correct et des interrogations écologistes. Le constat est sans appel : Disney n’occulte en rien les réalités contemporaines et aborde clairement des questions aussi sensibles que les inégalités, le féminisme, la multiculturalité, la mondialisation, le religieux ou la crise environnementale avec un véritable optimisme progressiste. Un renversement de perspective bienvenu à l’heure où il semble urgent de dépasser les commentaires universitaires trop longtemps bornés à la simple dénonciation idéologique des pratiques capitalistes de la firme et de son hégémonie culturelle pour enfin commencer à envisager l’importance, dans la culture contemporaine, d’une entreprise de divertissement aussi cruciale et omniprésente que la Walt Disney Company. Pour les Disney Studies aussi, il est temps de voir l’avenir en couleur.

 

Dick Tomasovic
Théorie et pratique des arts du spectacle vivant et enregistré

 

Christian Chelebourg, Disney ou l’avenir en couleur, Les Impressions nouvelles, 2018, 320 p.

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