Andi Watson : La tournée


Watson

La couverture de ce roman graphique psychotique et grinçant, absurde et grotesque, met déjà superbement en scène l’angoisse qui saisira le personnage principal dès les premières pages de ce faux polar. Assis sagement derrière une petite table, le personnage apparaît comme seul au monde, écrasé par de colossales piles de livres et entouré de bibliothèques monstrueuses aux étagères infinies. La composition donne le ton de ce cauchemar d’écrivain. Car G.H. Fretwell, tel est le nom de ce personnage étrangement lisse et presque fantomatique, habitant avec une femme qui semble pratiquement l’ignorer dans une petite ville anglaise un peu grise, est contraint de quitter sa famille pour faire la promotion de son dernier roman à l’occasion d’une sordide tournée en librairie où il ne parvient évidemment pas à signer le moindre livre. Mais le pauvre écrivain esseulé n’est pas au bout de ses peines. Il est bientôt soupçonné d’assassinat par la police, le circuit de sa tournée présentant d’étranges et inquiétantes similitudes avec celui d’un insaisissable tueur en série…

Andy Watson, connu tant des lecteurs de comics mainstream (il a collaboré avec les grandes maisons Marvel, DC ou Dark Horse) que des amateurs de romans graphiques subtils, réalistes et sentimentaux (dont le fameux Breakfast After Noon), développe ici un trait fragile et minimaliste pour décrire les doutes existentiels d’un auteur, pris dans une machinerie si labyrinthique qu’elle finit par sembler surréaliste. Le récit est à la fois extrêmement drôle et parfaitement glaçant, Watson instillant un humour pince-sans-rire typiquement britannique dans un grand dédale forcément kafkaïen. Une aberrante et réjouissante pérégrination en alcalines terres graphiques. 

Dick Tomasovic
Théorie et pratique des arts du spectacle vivant et enregistré

Andi Watson, La Tournée, çà et là, 2019, 270 p.

Retourner à la page des Lectures pour l'été 2019

>> Suivant

Share this page