Arnaud Teyssier : De Gaulle 1969
Fin 1968, le Général de Gaulle entend solder pour de bon la crise du mois de Mai par un referendum sur la participation, la régionalisation et la suppression du Sénat : son dernier referendum, qu’il perdra le printemps suivant, avant, comme on le sait, de démissionner avec fracas. Une « gaullolâtrie » rétrospective a fait de cette initiative le geste de panache d’un homme acculé, au crépuscule de son pouvoir. Résigné par la politique, débordé par la société, mais soucieux de partir avec grandeur, de Gaulle se serait sabordé à dessein sur un prétexte référendaire sans réel intérêt.
Arnaud Teyssier démontre pertinemment qu’il n’en fut rien : à travers la participation et la régionalisation, une même pensée restait en action chez le Connétable, poursuivant la grande tâche qu’il s’était assignée, d’abord en 1944-45 et puis en 1958, de stabiliser l’État pour préserver la France des dangers de la modernité. Ce « troisième acte » de 1969 escompte la réconciliation de l’État avec les aspirations nouvelles de la société, celles-là mêmes qu’avait manifesté Mai 1968. S’y dessine un de Gaulle ferme sur les principes, mais ayant toujours une révolution d’avance dans leur mise en œuvre.
Un essai abordable et profond, qui restitue sa part de mystère – mais aussi toute sa précarité – à la décision politique, art dont le vieux Général fut sans doute l’un des derniers praticiens en Occident. Les comparaisons historiques (Richelieu, Bonaparte) sont étayées, et la dynamique que restitue Teyssier entre les dilemmes rencontrés alors par de Gaulle, et notre actuelle « gouvernance » européenne et mondiale, ne manquera pas d’interpeller, voire d’effrayer ; d’autant que le tout est servi par de puissantes lectures, de Pierre Legendre à Alain Supiot, en passant par les sagaces Lettrines de Julien Gracq.
Luca di Gregorio
Langue et littérature italiennes
