Frédéric Chef : Poèmeries


Chef

Voici un recueil étrange écrit de la belle manière, plus de soixante-dix sonnets, certains de facture classique, d’autres prenant quelques libertés avec les canons poétiques traditionnels. L’auteur ose cependant affirmer dans le texte inaugural : « Je me fous de tout et de la poésie », mais le lecteur comprend très vite que cette allégation est une antiphrase. Frédéric Chef nous offre en effet, en deuxième partie, une très belle collection d’hommages à des poètes appréciés, des frères en littérature qui ont pour nom Georges Perros, Jacques Borel, Armen Lubin, Armand Robin, Pierre Morhange. S’y trouvent convoqués une pléiade de poètes, pas toujours ceux que l’on récite dans les écoles, mais ceux qui partagent un même regard désabusé sur le monde mêlé à une foi – parfois déçue – en l’humain. Il termine par l’évocation de deux de ses amis proches, les écrivains Alain Bertrand et Jean-Claude Pirotte.

Lire les textes de Frédéric Chef, c’est répondre à une invitation au voyage tant littéraire que géographique. Les lieux sont multiples et l’auteur nous emmène un peu partout, en Europe de l’Est ou à Istanbul ou New York, tout comme à Maisons-Alfort ou Charenton-le-Pont. Il peut s’arrêter à Vouziers où « Dhôtel est au bazar venu / acheter ses personnages au rayon quincaillerie »,  ou « savourer l’infini dans un cul de basse-fosse » à Roche où Rimbaud écrivit Une Saison en Enfer. C’est que le chroniqueur est un voyageur lent, à la manière d’un Robert-Louis Stevenson, il aime suivre un cours d’eau à son rythme et poser son œil curieux sur les choses vagues qu’on nomme le quotidien 

Soyons clair, la forme néoclassique des textes n’empêche nullement l’auteur de souligner des petits riens qui sous-tendent les questions essentielles d’aujourd’hui, il pose un regard assez fataliste, sur les échos du monde, sur le temps et les amours qui passent, sur le sens de la vie et de la mort puisque toutes « nos vanités se déchirent sous la lame ». Ces questions apparaissent dès la partie inaugurale de son ouvrage justement intitulée Vanités. En effet, n’est-il pas vain d’écrire se demande-t-il, « peut-être qu’on écrit des poèmeries pour tenter / de remédier aux questions qui nous / étranglent (…) ». Un recueil qui sous des airs classiques parle de modernité et de poésie.

 

                                                        Alain Dantinne
Écrivain et philosophe. Faculté d'Architecture

Frédéric Chef, Poèmeries, éd. Traversées Poésie, 2018, 96 p.

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