Daniel Mendelsohn, Une odyssée. Un père, un fils, une épopée

Mendelsohn

Pilier de la New York Review of books et professeur de littérature à Bard College, Daniel Mendelsohn est aussi un écrivain trop rare, dont la notoriété dans les pays de langue française est advenue avec la publication, en 2007, de son récit Les disparus (Flammarion), extraordinaire reconstitution de l’enquête menée avec son frère Matt pour retrouver les traces des membres de sa famille exterminés en Pologne et en Ukraine lors de la Seconde Guerre mondiale. Il s’est ensuite signalé par deux recueils d’essais L’étreinte fugitive et Si beau et si fragile, essentiellement consacrés à des œuvres littéraires mais aussi au cinéma et, déjà, à l’une de ses passions jamais démenties : la culture antique.

Après un long silence, regretté par ses fidèles lecteurs, il revient aujourd’hui avec un livre épatant d’intelligence et de sensibilité. Professeur d’université, Mendelsohn enseigne en première année les grands classiques de la littérature grecque et, au moment où commence son récit, c’est L’Odyssée d’Homère qui constitue, cette année-là, le sujet unique de son cours. Or voici que son père, mathématicien et informaticien à la retraite de son état mais ayant tâté du grec dans sa jeunesse, lui demande de pouvoir assister à son séminaire. D’abord réticent, Daniel accepte de mauvaise grâce mais, à partir de là, se met en place une construction narrative lumineuse, qui tisse avec délicatesse et profondeur tout à la fois un parallèle entre le thème fondamental de L’Odyssée (à savoir le rapport des fils à leur père, en particulier de Télémaque à Ulysse) et la propre relation, parfois compliquée, entre Daniel Mendelsohn et son père. Se succèdent ainsi des pages d’érudition joyeuse (à lire la passion communicative avec laquelle l’auteur décortique les différents chants de L’Odyssée et pousse ses étudiants dans leurs retranchements, on se dit que la libido sciendi n’est pas une vaine expression) et d’émotion contenue (la redécouverte, voire la découverte, de son père par un intellectuel juif et gay), qui culmineront avec une croisière dans les îles grecques, à la recherche des lieux hantés par le chef-d’œuvre d’Homère. Peu de temps après, le père succombera à une attaque et le fils s’attellera alors au livre ici recensé.

On connaît le mot de Wilde : « Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent ». Très rarement, ils leur rendent l’hommage qui leur est dû, sans rien celer de leurs faiblesses ou de leurs défauts, mais avec l’amour sincère qu’ils finissent par comprendre leur avoir toujours porté. Daniel Mendelsohn est de ceux-là.

Nicolas Thirion
Spécialiste du Droit commercial

 

Daniel Mendelsohn, Une odyssée. Un père, un fils, une épopée, Flammarion, 2017

 

 

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