Blonde

Àl’automne 2014, lors de l’exposition que la Cinémathèque de Bercy consacre à François Truffaut, le narrateur du Figurant, de Didier Blonde, assiste à la projection de Baisers volés (1968), dans lequel il apparaît « sans se faire voir » (41), à l’instar de ces inconnus restés dans l’ombre d’acteurs plus célèbres qu’eux et dont le nom n’est guère crédité au générique des films qu’ils ont tournés. Toujours fugace, voire hors champ, sa présence à l’écran se révèle si ténue qu’il peine à se reconnaître dans ces scènes si peu conformes à ses souvenirs qu’il croit presque les avoir rêvées. Situé à la lisière tant des images que de lui-même, cet homme qui semble avoir vécu sa vie en mode mineur est pourtant certain d’avoir existé dans le regard de sa « partenaire d’un instant » (28), qui a mystérieusement disparu peu après le tournage du film mais n’a manifestement pas cessé de l’obséder. Soudain mû par le désir irrépressible, voire vital, de retrouver la trace, même infinitésimale, qu’a laissée leur histoire avortée (et, peut-être, de panser enfin une profonde blessure secrète), il part à la recherche de cette grande absente comme il remonterait le temps en quête de celui qu’il a été, entraînant le lecteur ensorcelé dans un Paris hanté par ses fantômes cinématographiques. Ces « lieux qui sont une mémoire » (87) lui livreront-ils la clé du mystère qu’ils recèlent ? La réponse à cette question se trouve dans ce beau roman qui en pose bien d’autres et montre en filigrane que, si les revenants ne ressurgissent pas intacts du passé, il n’est jamais trop tard pour devenir, dans le présent, l’acteur de sa propre existence.

Marie Herbillon
Département de langues modernes : Linguistique, littérature et traduction

 

Didier Blonde, Le figurant, Gallimard, 2018

 

Lectures pour l'été 2018

 

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