Perutz

Que s’est-il passé le dimanche 26 septembre 1909 dans la villa Bischoff après le récital ? Qui est l’assassin du comédien Eugen Bischoff ? Qui était avec lui dans le salon ? Qui ou quoi ? Le baron von Yosch, violoniste à ses heures, endosse le rôle de l’enquêteur dans la Vienne de Mahler, Freud et Schiele (le roman, lui, date de 1923). Pourtant, comme souvent dans les romans de Leo Perutz (mais le contexte viennois devait nous y préparer…), on se retrouve au milieu d’un véritable carnaval littéraire ; pour peu que l’on ait l’habitude de distinguer les genres, on sera décontenancé par un livre qui, jouant d’abord au Cluedo, se mue inexorablement en une « chasse fantastique », multipliant avec un évident plaisir de l’exagération les sueurs froides et les situations d’épouvante. Le charme de la lecture ne tient pas seulement à cette métamorphose, mais aussi à l’étrange progression de l’enquête, à son évidente fragilité logique : les identités, incertaines, ne cessent de vaciller ; des pistes s’ouvrent qui ne mènent nulle part ; on va de révélation en révélation, et l’on n’a pas le sentiment d’en savoir plus ; les hypothèses de l’enquêteur surgissent parfois dans son cerveau comme autant de messages de l’inconscient. « Vous avez une faculté proprement infernale à tout compliquer », déclare l’un des personnages… Le puzzle pourra-t-il être recomposé ? Et ce puzzle n’est-il pas lui-même la pièce d’un puzzle plus grand ? Une chose est sûre, c’est que, dans ce « jeu des indices », le véritable « Maître » n’est pas celui qu’on croit.

 

Olivier Dubouclez
Histoire de la Philosophie moderne / UR Traverses

 

Leo Perutz, Le Maître du Jugement dernier, Trad. fr. J.-C. Capèle, Zulma Poche, 2014, 204 p.

 

 Lectures pour l'été 2018

 

>> suivant

Partager cette page